Tradition multiséculaire, gage du savoir-faire et de l'excellence française, le compagnonnage est une pratique aujourd'hui bien méconnue. Mis en lumière par le drame de l'incendie de Notre-Dame de Paris, les compagnons sont les gardiens de connaissances transmises de génération en génération, aspirant au chef-d'oeuvre parfait. Le compagnonnage français est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l'humanité en 2010 en tant que "réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier". Un comité intergouvernemental de l'UNESCO réuni à Nairobi y a vu "un moyen unique de transmettre des savoirs et savoir-faire".
 L'école pratique de stéréotomie appliquée à la construction de Romanèche-Thorins, aujourd'hui musée départemental du compagnonnage, est représentative de cette formation professionnelle exigeante. L'établissement qui a formé des dizaines d'élèves a été fondée en 1871 par Pierre-François Guillon, maître charpentier qui porte le nom compagnonnique de Mâconnais l'Enfant du Progrès. Son fils Osiris a voulu préserver l'oeuvre de Pierre-François en fondant un musée en 1928. Epures, maquettes, chefs-d’œuvre constituent le coeur de la collection permanente du musée actuel, qui s'ouvrent à d'autres créations grâce aux expositions temporaires.
C'est le cas de l'exposition des oeuvres de Jean Gazdac. Ce sculpteur verrier métamorphose les objets actuels ou d'hier, qu'il a choisis autant pour leur usage que pour l'intelligence de leur forme et leur beauté. Objets solides faits pour durer, utilisés par des hommes ou des femmes du monde de l'artisanat, de l'industrie et de l'agriculture, ou bien dans le quotidien, l'alliance du bois, du métal et de la pâte de cristal bleue les réactive et modifie notre regard sur eux. Le bleu hypnotique nous captive, il apporte une dimension extraordinaire à des outils qui tout d'un coup, deviennent comme des joyaux, porte d'entrée à la contemplation et au rêve.
Jean Gazdac construit, maitrise et sublime les matières par opposition : l'opaque et le transparent, le clair et le sombre, le mat et le brillant... Chaque œuvre, voire chef-d’œuvre devient alors intemporel, à la manière des compagnons charpentiers et de leur travail de réception. Leur histoire, leur beauté et leur fragilité, mais aussi les fantômes de celles et ceux qui les utilisaient hier, s'éternisent face au temps qui passe.
Après la visite de cette exposition, comment ne pas citer Alphonse de Lamartine qui écrivait dans son poème "Milly ou la terre natale": "Objets inanimés, avez-vous donc une âme qui s'attache à notre âme et la force d'aimer"

L'exposition est visible jusqu'à la fin de l'année. Le musée organise des ateliers enfants en lien avec l'exposition pendant les vacances scolaires.

 Isabelle Vernus
Directrice des archives et du patrimoine culturel - Conseil Général de Saône et Loire